Pour moi seule - André Corthis

 Résumé :

"Sur le toit de tuiles rousses que je vois de ma fenêtre, une fumée voudrait monter, que rabat le grand vent. Elle bouillonne au sortir de la cheminée noire comme un jet d'eau sans force; elle se couche et s'échevèle. En la regardant, je pense à beaucoup de choses que je ne saurais pas bien dire. Certes, j'ai de l'instruction. A Paris, j'ai suivi des cours. Je lis quelquefois. Et l'on m'a toujours affirmé que je fais bien les lettres. Mais il est difficile de connaître ce que l'on éprouve et de l'exprimer exactement. [...]

Seule dans ma chambre, devant ce papier que je viens de prendre, je me trouve toute sotte, comme on dit ici. Et qu'est-ce que je vais raconter, puisqu'il ne s'est rien passé qui ne fût au dedans de moi ? Cependant, je voudrais essayer... Ce sera bien ordinaire sans doute, et tourné maladroitement, mais personne n'en pourra rire et le feu seul connaîtra ces pages, quadrillées de bleu, après que mon écriture les aura couvertes. [...]

Il me faudrait les premières phrases; le reste sera bien facile... Cette fois, j'ai trouvé; voici qui est vraiment pour moi le commencement de tout :

Je me souviendrai ma vie entière du jour où maman nous raconta son histoire."

 Mon avis :

     Je suis tombée sur cet ouvrage dans une boite à livres et ce qui m'a d'abord intriguée c'est son titre : Pour moi seule. Celui-ci laisse supposer que ce texte n'est pas voué à être lu mais qu'il s'agit plutôt de confidences intimes qui sont censées rester secrètes. Tout cela est bien mystérieux. Puis l'auteur est un homme alors que la terminaison au féminin laisse supposer que le narrateur sera une femme. Ma curiosité est piquée.

     Après quelques recherches il s'avère qu'André Corthis est le nom de plume d'une autrice du début du XXe siècle de son vrai nom Andrée Magdeleine Husson. Et surprise supplémentaire, Pour moi seule a obtenu un prix littéraire décerné par l'Académie française en 1920. Voilà les seules informations que j'ai en ma possession avant de débuter ma lecture. Aucun résumé n'est disponible et cette autrice est complètement tombée dans l'oubli faute de réédition de ses ouvrages alors qu'elle semble bel et bien avoir eu un petit succès à son époque. 

     A l'instar d'@antastesialit qui s'est donnée comme objectif de mettre en lumière des autrices oubliées de nos jours, j'ai pensé que j'avais peut-être dans les mains un trésor de la littérature française.

     Tout d'abord, j'ai envie d'évoquer la plume de l'autrice. Je ne me sens pas forcément légitime pour juger un style et même si globalement ce n'est pas un point sur lequel ce porte mon attention, il arrive parfois que celui-ci m'interpelle. De temps en temps parce que je le trouve beaucoup trop vulgaire et que cela me dérange dans ma lecture mais d'autre fois parce que j'y suis favorablement sensible.

     Ici j'ai été charmée par l'écriture. J'ai aimé les images évoquées par l'autrice, les comparaisons ou les métaphores qu'elle a pu faire. Je me suis arrêtée sur quelques passages. Je les ai lu et relu pour m'en imprégner. J'ai trouvé quelques poésies dans certaines descriptions. Puis j'ai le sentiment que les mots qu'elle utilisait pour évoquer certaines idées s’agençaient correctement entre eux comme les pièces d'un puzzle et que l'ensemble était si juste que cela ne pouvait pas être mieux. Elle avait trouvé l'harmonie parfaite entre les mots. L'autrice m'a touchée sans que cela ne soit pompeux ou lourd.

     Dans cet écrit, Alvère - notre narratrice - retrace les évènements qui ont précédé et ont suivi son installation dans la maison familiale de Lagarde. Accompagnée de sa mère et de sa sœur, elles comptent bien vivre une vie bien rangée. Pourtant notre protagoniste ressent le besoin d’écrire et de se confier. Comme une thérapie qu'elle entamerait seule car quelque chose au fond d'elle la ronge. Impossible d'avouer son secret à son entourage. Elle couche sur ce papier, ses émotions, ses sentiments et ses pensées. Et rapidement en face de moi s'est dressé le portrait d'une femme qui tentait de s'émanciper.  Qui faisait face à elle-même et à la société. Très vite j'ai été soudée au livre avec l'envie de connaître le fin mot de toute cette histoire. Un roman à la fois psychologique et tragique.

     J'ai également aimé la construction du récit. Je pense que si je faisais une relecture de ce texte j'y verrais de nouveaux détails pour lesquels je n'ai pas prêté attention durant ma première lecture. 

    Les dernières phrases concluent parfaitement bien le récit et laisse au lecteur la possibilité de méditer sur ce qu'il vient de lire. J'aurai envie d'en citer mais elles en disent trop...

     Si vous avez la chance de tomber sur un exemplaire de ce texte je vous encourage à vous arrêter quelques instants pour le découvrir et à me rapporter votre opinion sur ledit ouvrage. C'est une belle découverte qui m'a beaucoup touché, je vais le garder afin de pouvoir le relire un jour.

Muxu,
Marion

PS: Pour continuer le plaisir:

-Avec une thématique similaire : Madame Bovary de Flaubert (que je n'ai pas du tout aimé), Indiana de George Sand 
-Northanger abbey de Jane Austen
-Il faut republier cette autrice oubliée ! (Georges de Peyrebrune) de Antastesialit

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